Dans son édition hiver 2015-2016, la revue Cheminement distribuée gratuitement surtout en Outaouais, présente un dossier sur le gaspillage alimentaire. Sauve ta bouffe a été interpellé sur la question, voici donc l'article issu de nos réflexions.
Surconsommation et mode de vie
Peu d’études ont été faites au sujet du gaspillage alimentaire que ce soit au Québec, au Canada ou dans le monde. Toutefois, celles qui existent s’entendent quant à l’impact des habitudes de consommation des citoyens et citoyennes sur l’ampleur de la problématique du gaspillage alimentaire. En effet, dans les pays industrialisés, les plus grands gaspilleurs sont les consommateurs et consommatrices. Ainsi, au Canada, ceux-ci seraient responsables de 51% du gaspillage alimentaire (Value Chain Management, 2010). De nombreux facteurs peuvent expliquer que cette surprenante responsabilité soit portée par les canadiens et canadiennes.
D’abord, notre société valorise beaucoup le travail rémunéré, et son pendant, la consommation. L’acte d’acheter est bien vu, il est signe d’opulence et procure une certaine stature sociale. Afin de répondre aux attentes de leur famille et entourage, les consommateurs et consommatrices vont avoir tendance à acheter davantage que ce dont ils et elles ont réellement besoin. Ceci, sans tenir compte des horaires souvent chargés et contraignants qui limitent leur capacité à bien gérer les achats. Dans le cas qui nous intéresse, les aliments périssables n’ont pas une durée de vie infinie et nécessite d’être entreposés, congelés ou transformés adéquatement.
Ensuite, l’annulation des cours d’économie familiale au secondaire, conjugué à l’éclatement des familles et à l’arrivée des femmes sur le marché du travail ont eu pour effet de diminuer le temps accordé à la transmission des savoirs culinaires. Ces derniers sont essentiels à la bonne gestion des aliments, mais sont aussi importants étant donné l’influence qu’ils exercent sur la perception de la cuisine : un moment passé en famille, qui nous permet de manger sainement sans gaspiller la nourriture que l’on a à la maison.
Matière à réflexion
Si la moitié du gaspillage alimentaire au Canada est la responsabilité des consommateurs et consommatrices, l’autre moitié relève de l’industrie à tous les niveaux de la chaîne alimentaire (production, transport, transformation et vente). En quelques décennies, nous sommes passés d’un système d’agriculture traditionnel de proximité à un système d’agrobusiness impliquant beaucoup d’acteurs ayant leurs propres attentes, normes et demandes.
De plus, les producteurs québécois et canadiens sont soumis aux lois des marchés nationaux et internationaux, sans compter les normes fixées par l’Agence canadienne d’inspection des aliments (ACIA), et par le Ministère de l’Agriculture, des Pêcheries et de l’Alimentation du Québec (MAPAQ) qu’ils ont à respecter. Les exigences auxquelles sont assujettis les producteurs causent des pertes et du gaspillage alimentaire : l’Association des producteurs maraichers estime ainsi que 20% de la production maraichère de ses membres ne peut pas être mise en marché, parce que considérée comme «moche». Les distributeurs, pour leur part, écartent une grande quantité d’aliments et jettent, selon Solinov, plus de 30 000 tonnes d’aliments comestibles par année (Solinov, 2013).
Si une partie des milliers de tonnes d’aliments se retrouvant à la poubelle pouvait se retrouver sur les tablettes à moindre prix, ou dans les banques alimentaires, cela permettrait certainement de mieux répondre aux 1,6 millions de demandes d’aide alimentaire d’urgence mensuelles que reçoivent les Banques alimentaires du Québec.
Estelle Richard,
Chargée du projet Sauve ta bouffe aux AmiEs de la Terre de Québec