Récemment, j’ai eu la chance de m’entretenir avec Magaly Macia, chargée de projet de Des Chenaux Récolte et Jescika Lavergne, coordonnatrice de Cultive le partage. Ces deux merveilleuses personnes font la promotion et gèrent le glanage en Mauricie, une super initiative qui lutte contre le gaspillage au champ! Nous en avons évidemment parlé, mais nous avons aussi parlé des façons alternatives et écologiques d’aborder le système alimentaire et la sécurité alimentaire. Cette conversation était si intéressante que je ne peux m’empêcher de vous la partager, et en plusieurs parties!
Dans cette première partie, nous parlerons plus en détail du glanage, ce que ça mange en hiver et il sera aussi question des particularités du glanage dans la région de la Mauricie.
Qu’est-ce que le glanage ? Et particulièrement en Mauricie?
Le glanage est une activité de cueillette organisée afin d’aller récupérer les surplus chez les producteurs : des aliments laissés au champ parce qu’ils ne correspondent pas à certains standards esthétiques (taille, forme, couleur, etc.), par manque de main d’œuvre ou par manque de temps. En général, le résultat de la cueillette est séparé en trois parts :
- 1/3 est donné aux bénévoles-cueilleurs
- 1/3 est redonné au producteur, s’il en veut bien (parfois c’est redonné entre les deux autres bénéficiaires)
- 1/3 est donné à des organismes en sécurité alimentaire ou distribué dans les frigos communautaires
En Mauricie, on ne se contente pas seulement d’aller récupérer chez les producteurs, on va aussi chez les particuliers et chez les entreprises qui s’inscrivent comme donneurs parce qu’ils ont trop de récoltes dans leurs jardins, arbres fruitiers ou aménagement comestible.
« Cette initiative nous permet de réduire le gaspillage alimentaire, mais aussi d’augmenter l’accessibilité alimentaire pour des personnes en situation de vulnérabilité. Le tout dans un esprit de partage. »
– Magaly Macia, chargée de projet de Des Chenaux Récolte
Depuis le 15 juin, les initiatives de glanage en Mauricie, soit Maski Récolte, Shawi Récolte, Des Chenaux Récolte, Mékinac Récolte et Trois-Rivière Récolte sont désormais réunies sous la bannière Cultive le partage afin de mutualiser les ressources entre ces différentes initiatives et de faire rayonner le glanage dans la Mauricie et assurer sa pérennité.
Des Chenaux Récolte en chiffre
Magaly Macia est la chargée de projet de Des Chenaux Récolte, l’initiative de glanage dans la MRC Les Chenaux. En 2021, malgré la pandémie, ils ont réussi à récupérer 13 923 lbs (6315 kg) de fruits et légumes ! Tout cela grâce aux dons généreux des producteurs et au temps d’une valeur inestimable des bénévoles :
38 Cueillettes effectuées chez des producteurs et citoyens
19 Dons de producteurs et citoyens
173 adultes, 13 adolescents et 19 enfants Citoyens-cueilleurs participants
25 Organismes et institutions bénéficiaires
10 Producteurs chez qui nous avons fait des récoltes ou reçu des dons
18 Citoyens chez qui nous avons fait des récoltes ou reçu des dons
Le glanage, aussi positif pour les cueilleurs !
Non seulement les bénévoles-cueilleurs repartent avec une partie de leur cueillette, mais Magaly et Jescika ont constaté d’autres bénéfices sociaux de cette initiative. Le glanage permet de sortir de l’isolement social et de créer de beaux liens avec d’autres personnes, ce qui a fait le plus grand bien, surtout en temps de pandémie ! C’est une pratique valorisante pour ceux qui en auraient besoin : « Il y a une dignité, les gens repartent avec de la bouffe et en plus ils donnent aux autres » dit Magaly Macia. Parfois, le glanage est aussi un premier pas pour certaine personne vers un travail.
Grâce au glanage, il y a aussi un beau lien qui se crée entre le producteur et le consommateur, ce dernier en vient à mieux comprendre tout le travail nécessaire à la production des aliments et comprend mieux toute la valeur de la nourriture. Le glanage permet également de découvrir les trésors de sa région. Qui sait, peut-être avez-vous une plantation de camerises à deux pas de chez vous ?
« Ça a fait ses preuves que le glanage offre une colle sociale pour différents acteurs qui autrement ne se seraient peut-être pas rencontrés. Il y a quelque chose qui dépasse la cueillette du légume. »
– Jescika Lavergne, coordonnatrice de cultive le partage
Des producteurs généreux
« Moi je les trouve fantastiques, parce que non seulement ils nous ouvrent leurs champs, mais ils nous font des dons. »
– Magaly Macia
En effet, les producteurs donnent parfois des aliments dits « déclassé », soit des aliments qui sont invendables pour une raison ou pour une autre alors qu’ils sont aussi bons. Même dans les marchés maraîchers, les consommateurs achètent les aliments qui sont le plus normaux esthétiquement et en laissent d’autres de côté, ce qui force certains maraîchers à vendre ces produits moins chers. Une pratique avec laquelle Magaly Macia n’est pas d’accord : « Pourquoi les vendre moins chers que les autres alors qu’ils ont pris autant de travail et sont aussi bons ? » Un point qui fait réfléchir !
Il ne faut surtout pas oublier qu’être producteur, c’est très onéreux : juste le prix des terres est faramineux et à cela on ajoute le coût de la machinerie agricole, son entretien, les outils, le salaire des employés et j’en passe. La facture monte vite! Donc, lorsque le producteur perd une partie de ses récoltes, ce qui lui aurait normalement rapporté, c’est bien souvent hors de son contrôle, il n’a pas d’autres choix. Il pourrait choisir de simplement laisser les aliments au champ et éviter une autre tâche en plus des 80 heures de travail qu’ils font souvent par semaine, mais les producteurs qui donnent « ont cette proximité avec la communauté, ils veulent faire une différence, ils veulent nourrir leur monde » dit Jescika Lavergne.
Comment éviter de gaspiller de ce qu’on glane? Après tout, ce sont de grosses quantités d’un même légume!
Bravo pour ce souci antigaspi ! Dans le cas de la Mauricie, les organisateurs font justement un beau travail pour conseiller les gens sur la façon de cuisiner les aliments et sur les différentes façons de les conserver pendant de longues périodes. Après tout, nous n’avons pas toujours eu des épiceries bien remplies à l’année, à une époque, on cueillait nos légumes l’été et l’automne et on réussissait à les conserver pendant toute l’année! On est dans une culture de l’instantanée, on achète pour manger prochainement. Il serait temps de reprendre connaissance avec des savoirs ancestraux, à commencer simplement par le cannage par exemple!
Il arrive que les aliments récoltés soient en fin de vie. Donc, avant de redonner le 1/3 des surplus à des organismes, les chargés de projet de glanage doivent parfois transformer directement les récoltes afin d’allonger leur vie. Par exemple, ils peuvent transformer des fraises en confiture ou les congeler! Toutefois, pour conserver et cuisiner les aliments, plusieurs ressources sont nécessaires : cuisine, matériel, personnel, etc. Ces ressources nécessitent du financement, ce qui est, disons-le, un manque dans le communautaire!
Précisons ici qu’en transformation, pas question de gaspiller une partie de l’aliment!
« Si on fait de la transformation, on génère des résidus, mais ces résidus peuvent être récupérés. Des pelures de carotte peuvent être redonnées à un élevage d’insectes qui va faire de la farine protéinée pour remplacer la viande. Les déchets des uns font la richesse des autres. »
– Jescika Lavergne
Alors, comment s’implique-t-on dans le glanage?
Peu importe qui vous êtes, vous pouvez vous impliquer dans cette super initiative!
- Vous êtes agriculteur? Ouvrez votre champ pour les glaneurs;
- Vous êtes un particulier avec beaucoup de récoltes (grand jardin, arbres fruitiers) et vous voulez partager? Vous pouvez offrir vos récoltes à un organisme de glanage près de chez vous;
- Vous êtes un individu qui souhaite cueillir ? Qu’à cela ne tienne : il manque de bénévoles! Inscrivez-vous!
Il n’y a pas de glanage dans votre secteur ? Lancez-vous !
En général, ceux qui lancent des initiatives de glanage sont : des MRC, des Moisson ou des organismes. Il existe une communauté de pratique qui regroupe les initiatives de glanage du Québec grâce. Au sein de cette communauté, vous apprendrez de judicieux conseils pour démarrer votre initiative, vous inspirer de documents existants qui vous seront fort utile ou de bons coups d’initiatives près de chez vous. N’hésitez pas à communiquer avec nous pour qu’on vous réfère aux bonnes personnes !
Jescika Lavergne recommande de consulter différentes ressources afin de financer un projet de glanage :
- les éluEs
- le développement économique social de votre ville
- les CIUSSS
- les tir SHV
Vous pouvez même glaner à petite échelle si vous voulez, avec un groupe d’amis ou de la famille! L’important est évidemment d’avoir les autorisations de cueillir sur le terrain et de bien connaître les plantes qu’on cueille.
« Il ne faut pas négliger le pouvoir de la simplicité. »
– Magaly Macia
Cet été, Sauve ta bouffe vous encourage à glaner! Vive l’antigaspi!
On se retrouve bientôt pour la seconde partie cet article au sujet des façons alternatives d’aborder l’autonomie alimentaire. En voici un extrait : « La philosophie même derrière le glanage permet de voir l’autonomie et la sécurité alimentaire autrement : un respect de l’environnement et de l’être humain. »
Par Gabrielle Dessureault, coordonnatrice de Sauve ta bouffe